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(Journaux de différentes provinces espagnoles) - 27/02/2009


Triste Espagne noire et sombre

Juan Zapater


Il y a plus de lucidité, de rigueur et de déchirement dans une seule séquence de ce film en apparence modeste et dont la sortie en salles a été furtive, que dans la plupart de ce cinéma soi-disant « engagé » fait de tournesols non-voyants (7) et de roses rougissantes (8).

Je n’ai pas assez de place ici pour présenter Francisco Avizanda, cinéaste qui filmait déjà la rue en flammes lorsque Martin Villa remplissait ses bulletins de guerre de la transition, mais il est évident que nous sommes face à un auteur qui a débuté dans un cinéma sans récompenses de copinage et autres décorations florales. Son attitude transparaît dans les trois décennies qu’il a mises à résoudre son premier long-métrage de fiction. Force est de constater également que son horloge ne connaît ni les modes ni les dîmes. Quant à Hoy no se fía, mañana sí (On verra demain), disons qu’il s’agit d’une chronique sombre, désespérée, cruelle et blessante de l’Espagne de 1953.


Son récit se déroule à Madrid, mais il s’agit là d’un artifice, d’un rideau de fumée permettant à Avizanda d’échapper à la spéculation anecdotique, d’éviter le qui est qui de l’asphyxie provinciale, pour pénétrer dans un terrain plus abstrait, plus métonymique. Ainsi, les spectateurs ayant de la mémoire ou du savoir auront beau établir des liens de parenté, Avizanda n’assied au banc des accusés aucun nom propre ou organisation concrète. Il est évident qu’Avizanda élude la petite histoire courte pour décrire un paysage plus ample, car dans son film il n’y a pas de bons et de méchants, mais des méchants et d’autres encore pires ; des malheureux qui vendent leur âme, et d’autres sans âme qui vendent leur corps à perte. Pour relater tout cela, la calligraphie d’Avizanda s’accorde au sens de son écriture ; la caméra est sobre et rares sont les soulignements. Il regarde Bresson par strabisme et obtient un fort rendement d’une

distribution truffée d’acteurs navarrais qui, n’étant pas des habitués du cinéma national, renforcent cette sensation d’authenticité et d’étrangeté que suppure chaque interstice de ce film à vocation d’examen légiste.


On en sort touché mais pas effondré. Dans ce paysage humain de trahisons de rond-decuir et de sacristie, de pensions à l’odeur de sexe rance et de faim séculaire, l’horreur de la condition humaine pousse un cri. Résolu sans gaspillage, ce film doit être accueilli comme une oeuvre d’un mérite indéniable et surprenant. Il n’est pas facile de refléteravec autant de désolation la mesquinerie de ces étreintes pour suggérer la misère de notre éreintement.



(7) Allusion au film espagnol de José Luis Cuerda sur l’après-guerre civile Los girasoles ciegos (Les tournesols aveugles) sorti sur les écrans espagnols en 2008.

(8) Allusion au film espagnol de sur la guerre civile Les treize roses sorti en Espagne et en France en 2008.